mardi 3 avril 2007

Corps à coeur

A l’origine, j’ai entamé ma thérapie parce que je n’avais pas accès à mes émotions. Je ne savais pas identifier ce que je ressentais, je ne me connaissais pas du tout et je n’étais jamais sûre de rien ou plutôt j’étais sûre de ne pas être normale. J’avais l’impression d’être sur le chemin de la folie à force de me convaincre que l’émotion adéquate, l’émotion à ressentir dans une situation donnée était celle-ci ou celle-là.
Je rationalisais tout, à l’époque, mais j’avais la sensation d’être incomplète, comme à moitié vivante seulement. Comme à moitié morte déjà. J’ignorais complètement les manifestations physiques des émotions. Je ne savais pas que le corps aussi parlait.

Pour moi le corps n’était qu’un outil, une enveloppe, une mécanique. Pour moi, le corps était un soldat muet, prêt à endurer tout ce qu’il faudrait endurer pour survivre. Il était là et je ne lui devais rien si ce n’est de répondre à ses besoins primaires (le sommeil, la nourriture, la protection contre le froid, ce genre de choses), de l’entretenir un peu et de le soigner quand il était malade. En échange, il se devait d’être robuste et obéissant.

Mon corps n’a jamais pris le contrôle total de mon être. Par là, je veux dire que je n’ai jamais eu d’orgasme comme ceux dont j’entends la description et qui vous emportent dans un tourbillon sans que vous n’y puissiez rien.
Bien sûr, j’ai déjà eu du plaisir par mon corps. Bien sûr, il m’est déjà arrivé d’avoir peur au point d’être paralysée. Mais dans toutes ces situations où mon corps se manifestait, mon esprit fonctionnait et pouvait le contrôler, le faire taire. Mon corps ne s’est jamais imposé, il n’a jamais débordé mon esprit, il ne s’est jamais exprimé suffisamment fort pour que je l’entende. Je ne l’ai pas laissé faire.


Ma vraie richesse, celle que je chérissais, c’était mon mental, mon intellect, ma machine à penser et à analyser. Ce qui me rendait unique, ce qui allait me permettre de survivre et de me construire un avenir, ce qui m’aidait à vivre en société, à avancer dans la vie, c’était mon intelligence et mon intuition. Le moyen pour moi d’avoir une prise sur ma vie, de contrôler un peu ce qui m’arrivait, c’était mon esprit. Pour moi, le corps devait servir l’esprit, être son moyen d’interagir avec la réalité physique des choses, être sa monture, en quelque sorte.

Pourtant, mon corps a été la première victime de mon excision. Il a été blessé, mutilé, traumatisé. Il a dû abondamment saigner, il aurait pu mourir d’hémorragie. Mais il a survécu, il a cicatrisé, il a grandi et il s’est développé.
En réalité, je m’en rends compte, mon corps a toujours été, bien plus que mon esprit, le siège de mon envie de vivre.


Au fil de ma thérapie, j’ai appris à percevoir ses murmures, à distinguer ses réactions et à les écouter. Ca m’a rassurée, j’étais donc « normale » et pas en train de mourir à petit feu. Mais j’ai continué à ne pas tenir compte de ses messages jusqu’à ce que je réalise leur pertinence. J’ai lu dans le magazine Psychologies de ce mois-ci que « le corps ne ment pas, à l’inverse de l’esprit » et cette phrase m’a marquée.

Aujourd’hui, j’ai envie d’avoir un rapport différent avec mon corps, j’ai envie de le respecter, de faire attention à son rythme, à ses besoins, de l’aimer différemment. J’ai envie d’être prévenante et attentionnée avec lui, de ne pas le contraindre. J’ai envie de tendre l’oreille et d’écouter tout ce qu’il peut avoir à me dire. J’ai envie de me l’approprier comme la partie fondamentale de moi-même qu’il est.

C’est bientôt mon anniversaire. Depuis quelques années, j’ai pris l’habitude de poser un jour de congé. Le jour de mon anniversaire, c’est la trêve, je ne travaille pas, je fais la grasse matinée et je tâche de ne faire que des choses plaisantes. D’habitude, je vais au cinéma, je mange dans mon restaurant préféré, je fais la sieste, j’écris, je lis ou je bulle. Mais cette année, j’ai décidé de m’offrir un long massage du corps, un soin complet du visage, une manucure et un soin des pieds. Cette année, c’est mon corps qui sera à l’honneur. Il le mérite, c’est grâce à lui que je suis là et je ne l’en remercierai jamais assez.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

j'ai lu un texte féministe qui reprenait la phrase "mon corps est à moi" pour dire encore + vrai je trouve : "je suis mon corps".
En tous cas tu as du faire un long et bon boulot pour arriver à te confier dans les mains des autres pour des soins du corps, massage, etc.
Je trouve que c'est une bonne idée de prendre un jour de congé pour soi. le rêve (même si je l'emploierai + dans une bibli ou un salon de thé perso, chacune selon ses goûts ;o)
bon anniversaire ;o)

papillon a dit…

Merci Emelire (bien que cela ne me transporte pas de joie d'avoir 31 ans:-))!!
"je suis mon corps" est en effet une formulation qui me paraît encore plus exacte de la réalité des choses, Emelire.
En fait, ce n'est pas tant que je répugnais à confier mon corps à des soins prodigués par des mains étrangères. C'est plutôt que je ne me suis jamais posé la question avant parce que je ne voyais pas l'intérêt de faire soigner mon corps. Du coup, je ne me suis jamais confrontée à cette idée.
C'est une copine qui m'a donné l'idée du jour de congé pour soi lors de son anniversaire. J'ai tout de suite trouvé ça formidable et je pense continuer comme ça trèèèèès longtemps :-))))

Anonyme a dit…

Bonsoir, Miss papillon,

C'est avec émotion que j'ai parcourru ces quelques lignes.

J'ai hâte d'être au mois de juin pour te rencontrer car tu m'as vraiment l'air dêtre une fille formidable pleine de sensibilité et j'ai vraiment envie de te rencontrer biz
ethnyz.

papillon a dit…

Bonsoir Ethnyz!
Comme je suis contente de te lire ici. Merci beaucoup pour ton gentil commentaire et à bientôt "en vrai", par mail ou ici :))

antagonisme a dit…

Blog très intéressant, je vais continuer à te lire avec intérêt. Tu as du courage, continue.

papillon a dit…

Bonjour Parisienne Exilée.
Merci et à bientôt peut-être...